La pratique de la conversion directe

La conversion directe est une technique dite simple, permettant de construire un récepteur destiné aux Ondes Courtes. Elle est classée comme telle, car ne nécessite qu’un seul changement de fréquence. Ce changement de fréquence est obtenu en mélangeant le signal à recevoir avec celui d’un oscillateur local ( fabriqué par le récepteur  ) . Du mélange de ces deux signaux résulte un signal audio, amplifiable et exploitable par l’opérateur. Voilà pour le principe de fonctionnement.

 

Du côté ingénierie, il faut savoir que la fréquence de l’oscillateur local est quasiment la même que celle du signal à recevoir à quelque centaines de Hertz près ( on parle de battement ) . D’autre part, le gain total de l’amplification produit par le récepteur doit se situer entre 80 et 90 dB pour obtenir une sensibilité correcte sur cette gamme d’ondes.  Ce type de récepteur ne comportant pas de chaîne d’amplification sur une fréquence intermédiaire ( comme c’est le cas dans un récepteur superhétérodyne ), la presque totalité du gain est souvent fournie par l’amplification basse fréquence , après le mélangeur. Si le gain de l’amplification Basse Fréquence est trop important, il peut se produire un effet microphonique entraînant une écoute très désagréable.

Malgré donc sa conception simple, la construction d’un récepteur à conversion directe ne doit pas être négligée. Ce type de récepteur a revu le jour dans les années 70 avec l’avènement de semi-conducteurs très sensibles comme les transistors à effet de champ à simple ou double porte, puis l’avènement de circuits intégrés – avec leur sensibilité très élevée – a ouvert de nouvelles portes en s’orientant notamment vers le trafic à faible puissance ( QRP ).

L’évolution des mélangeurs .

Il y a un peu plus de trente ans, des firmes comme Heathkit ( célèbre pour ses kits radioamateurs ) ont conçu des petits transceivers  QRP basés sur le principe de la conversion directe. Voici ci-dessous, le mélangeur utilisé par Heathkit dans son premier transceiver QRP, le HW7. Un 40673, MOSFET à double porte est utilisé comme mélangeur.

La tête HF du HW7.

La porte G1 reçoit le signal de l’antenne, la porte G2 reçoit le signal de l’oscillateur local . La basse fréquence, résultant du mélange,  se retrouve sur la sortie Drain, filtrée par un circuit LC avant d’être amplifiée. Ce type de mélangeur nécessite une tension crête à crête de l’ordre de 5 Volts issue de l’oscillateur local pour assurer une conversion optimum. Le circuit d’entrée comporte en tout et pour tout un circuit L1 C1 sensé être accordé sur 40, 20 et 15 mètres … Il apparaît de suite que ce type de circuit d’entrée est loin ( et même très loin ) d’être le plus performant , car c’est plutôt la porte ouverte aux fortes stations AM qui font fi du peu de sélectivité de L1C1. Et c’est le cas dans la pratique ! Il arrive qu’avec une bonne antenne, des stations de broadcast se font entendre sur toute la plage du condensateur variable !!

Heathkit reconnaissait d’ailleurs ce dysfonctionnement et préconisait l’emploi d’une boîte d’accord d’antenne pour minimiser le phénomène.

Pour quelqu’un ne voulant pas modifier le circuit mélangeur de ce transceiver, il ne reste que peu de solutions. Dans mon cas, j’ai placé avant le circuit L1C1 trois filtres de bande commutables par diodes en utilisant des plots libres sur le commutateur de bande de l’appareil. Le phénomène est atténué mais ne disparait pas forcément.

La solution adoptée sur mon HW7.

La commutation par diodes des trois filtres a engendré un problème supplémentaire : le manque de sensibilité. En effet, la commutation par diode engendre une forte atténuation qui doit être compensée. J’ai dû me résoudre à placer un préamplificateur à large bande avant les filtres passe-bande afin de retrouver une sensibilité normale.

Le préamplificateur monté à côté du filtre de bandes.

On voit sur cette image le préamplificateur large bande équipé d’un 2N3866, suivi des filtres de bande. Ci-dessous, le schéma du préamplificateur issu du « W1FB’s QRP Note Book ». C’est le schéma de droite qui a été retenu ici. T1 comporte 16 spires au primaire sur un tore T50-43, le secondaire est constitué de 8 spires.

W1FB's Broadband amplifiers.

Le trafic , après avoir apporté ces modifications, s’est sensiblement amélioré. Il restait cependant une dernière retouche à apporter à cet appareil. En effet, le manque de filtre BF rend l’exploitation du récepteur difficile, notamment lors des Contest en CW. Toujours dans l’optique de ne pas modifier de façon importante l’ensemble d’origine, j’ai opté pour l’adjonction d’un filtre BF du type LC indépendant, placé dans un petit boîtier, se branchant en série sur la prise Jack de l’écouteur. Voici ci-dessous, le schéma très simple de ce type de filtre issu d’une édition de la RSGB « Electronic CookBook ».

On the top, the original filter. On bottom, my version using a simple switch.

… avec son implantation :

Le filtre BF câblé dans un petit boîter.

Le HW7 est maintenant opérationnel.

Le tout accompagne le HW7 ou tout autre récepteur.

Le problème majeur rencontré dans les récepteurs à conversion directe est donc la réception de fortes stations de radiodiffusion en Modulation d’Amplitude, qu’elles se trouvent dans la bande de réception ou non du récepteur.  Les mélangeurs souffrant le plus de ce phénomène restent les simples mélangeurs comme celui-ci présenté plus haut, où il peut s’agir d’un MOSFET double porte ou d’un simple FET du type MPF102.

Le mélangeur du type Push Pull.

Progressant dans la construction des récepteurs à conversion directe, voici le schéma du récepteur DC ( Direct Conversion ) prévu pour la bande des 40 mètres, issu d’une ancienne publication anglaise présentée dans « Practical Wireless » dont l’auteur est un des cofondateur du G-QRP Club, le révérend George Dobbs, G3RJV. Ce récepteur fait partie d’un ensemble complet formant un transceiver CW , baptisé « PW Severn ».

Le schéma du PW Severn

Ce type de mélangeur Push Pull est plus performant pour atténuer les signaux forts en AM. Le trafic sur 40 mètres en effet ne souffre pratiquement plus de ce phénomène de transmodulation. Là aussi, l’injection de l’oscillateur local à travers T1 doit se faire à l’aide d’une tension crête à crête de 5 Volts. On peut trouver des mélangeurs équipés de transistors FET du type MPF102 ou mieux, des 2N4416. Ici, on peut déjà parler d’un gain de conversion pour ce type de mélangeur qui avoisine les 10 dB. Tr3 sert de préamplificateur HF, R5 est réglée pour une meilleure réception sur un signal faible. Les deux diodes zeners servent à protéger Tr1 et Tr2 contre d’éventuelles surtensions produites par le transformateur BF T2, les drains des deux FET étant à haute impédance…

Comme cité plus haut, le trafic avec ce type de récepteur est plus confortable qu’avec le HW7 précédent, mais la présence d’un filtre BF sélectif reste nécessaire pour le trafic en télégraphie. Celui utilisé ici est basé sur le même principe que le précédent et rend ainsi ce transceiver parfaitement exploitable.

Cette version de mélangeur ( appelé mélangeur équilibré simple ) se retrouve aussi sous la forme de circuits intégrés du type CA3028 de RCA.

La partie récepteur du PW Severn.

Le double mélangeur équilibré.

Il en existe deux sortes : les actifs et les passifs. Les actifs font appel à des circuits intégrés du type MC1496 ou NE602/NE612. Les passifs sont construits autour de ponts à diodes – qui peuvent être réalisés par soi-même – ou ceux du commerce dont les plus connus SBL1, SRA-1, etc …

Essai avec un double mélangeur équilibré actif.

Un essai a été effectué avec un double mélangeur équilibré actif en utilisant un NE612 dans un récepteur à conversion directe décrit par Doug DeMaw dans « W1FB’s QRP Notebook », page 78 et suivantes. Le récepteur est décrit comme universel car exploitable sur 80, 40, 30 et 20 mètres. Le NE602 est  un double mélangeur équilibré avec un oscillateur intégré pouvant atteindre les 200 MHz. Ce type de mélangeur produit déjà un gain entre 14 et 17 dB ( à 45 Mhz), possède une impédance d’entrée de 1500 Ohms sous 3 PF jusqu’à 50 MHz avec un facteur de bruit de 5 dB seulement à 45 MHz. C’est donc un élément de choix pour une conversion de fréquence. Son impédance de sortie est de 1500 Ohms. Il est conseillé d’attaquer ce circuit avec un niveau maximum de -25 dBm ( environ 3.16 mW ) ce qui correspond à une tension de 68 mV sous 1500 Ohms ( ou 12.6 mV sous 50 Ohms ). Le NE602 est capable de capter un signal de 0.2 uV. De même, si l’oscillateur local est externe au circuit, le signal devrait se situer entre 200 et 300 mV crête à crête. L’oscillateur interne est conçu de façon à avoir accès à la base et à l’émetteur du transistor oscillateur, ce qui permet de faire fonctionner le montage en oscillateur Colpitts, Clapp, Hartley, en overtone, avec un circuit LC ou quartz. Un montage Pierce n’est pas possible avec le NE602.

Le schéma du récepteur DC de W1FB

Ce récepteur fournit déjà une bonne protection contre les signaux forts hors bande, s’il est complété  par un filtre de bande plus sélectif à l’entrée. Dans la pratique ,en effet, malgré les caractéristiques élogieuses concernant le NE602, ce montage ne résiste pas à la seconde même où une antenne long fil type Marconi non accordée est branchée à l’entrée de ce récepteur. Il aura fallu intercaler une petite boîte de couplage ainsi qu’un atténuateur à plots réglé entre -10 et -15 dB pour éliminer les stations de radiodiffusion et « sortir » le signal voulu en télégraphie sur la bande des 10 MHz.

Une version 10 MHz a été construite, elle utilise en haut à gauche, un circuit prototype permettant de faire varier la fréquence de l'oscillateur à l'aide d'une diode Varicap.

Essai avec un double mélangeur équilibré passif.

Les essais suivants ont porté sur l’utilisation d’un mélangeur passif du type ADE-1MH. Ce mélangeur est composé d’un pont de quatre diodes et de deux transformateurs symétriques. Le mélangeur peut être fabriqué artisanalement comme c’est le cas dans les montages décrits par B. Mourot F6BCU sur son site Internet ou dans les archives téléchargeables d’Ondes Courtes Informations ( voir les liens ci-dessous ).

C’est d’ailleurs à partir d’une de ces archives qu’un récepteur 80m ( à conversion directe ) a été réalisé en utilisant cette fois-ci cette dernière technologie de mélangeur. Le résultat a été surprenant, aucune station de radiodiffusion n’apparaît lors de l’écoute du trafic sur cette bande, mais certaines précautions ont été nécessaires en suivant les indications de l’auteur cité plus haut. En effet, le mélangeur passif, offrant la meilleure isolation entre ses différentes branches, souffre d’une perte d’insertion se situant aux alentours des 10 dB, ce qui peut sembler logique, puisqu’il s’agit d’un mélangeur ne comportant que des circuits passifs ne produisant aucune amplification. Deux précautions sont alors à prendre :

  1. Pour compenser la perte d’insertion, il est préférable de placer avant le mélangeur un circuit préamplificateur permettant de compenser la perte d’insertion du mélangeur. Celui employé ici, produit effectivement un gain de 30 dB à 3.5 MHz, encore 16 dB à 28 MHz, ce qui peut être intéressant  pour un essai sur la bande des 10 mètres.
  1. Il est impératif de munir le préamplificateur d’un filtre de bande conséquent réglé sur la plage de fréquence voulue afin d’atténuer tout signal se trouvant en dehors de cette bande de fréquence.

Le récepteur est muni d’un filtre BF suivi d’un amplificateur BF du type LM386. Ces essais ont porté sur une version dépourvue d’un diplexeur en  sortie du mélangeur.

 Voici le schéma du préamplificateur décrit par F6BCU dans Ondes Courtes Informations n° 210. Ce préamplificateur produit bien un gain de 30 dB sur 80m. On remarquera le filtre de bande à l'entrée du BF960.

Le préamplificateur précédent est suivi du mélangeur à diodes. Ce schéma est extrait du même document mis en ligne sous format pdf.

Contrairement au mélangeur de type actif, l’injection du signal provenant de l’oscillateur local doit être plus important. Celui présenté ici nécessite un niveau de +10 dBm ( soit 10 mW). En utilisant le mélangeur ADE-1MH, il faut un niveau un peu plus élevé, se situant à +13 dBm. Cette notion de niveau est importante pour espérer un fonctionnement correct du mélangeur. Un test via un atténuateur à plot a démontré qu’un niveau trop faible empêche la réception des signaux sur 80m, un signal trop élevé n’améliore pas les performances de réception, le signal reçu n’est pas reçu plus fort.

 Voici une partie du récepteur ( sans l'amplificateur BF LM386 ). De gauche à droite, le filtre de bande 80m, suivi du préamplificateur, le mélangeur passif se trouve juste derrière le petit câble coaxial au premier plan, suivi du filtre BF construit à base d'un amplificateur uA741.

Les essais avec le générateur DDS

Ici, l’oscillateur local est provisoirement remplacé par le générateur HF DDS fournissant le 3.5 MHz via un atténuateur à plot servant à apprécier le niveau d’injection requis pour un fonctionnement optimal du mélangeur.

Le récepteur complet avec son VFO.

Cette photo montre le récepteur complet avec son oscillateur local du type Clapp très stable au premier plan. Un filtre de bande a été ajouté à la sortie de l’oscillateur pour atténuer les fréquences harmoniques issus du 3.5 MHz. En effet, sans le filtre, l’harmonique 2 reste assez puissante, au point où – d’après F6BCU – il est possible de capter la bande des 40m ( voir archive OCI n° 212 ). Il suffirait alors d’une simple commutation du filtre d’entrée pour pouvoir bénéficier d’un récepteur 80 et 40m sans avoir à modifier le VFO. Une analyse spectrale a en effet révélé une harmonique 2 assez forte avec un niveau de sortie d’au moins la moitié de la fondamentale.

Les éléments les plus importants du récepteur.

Conclusions.

  • Le mélangeur du type passif produit les meilleurs résultats, c’est donc vers cette technologie qu’il est préférable de s’orienter pour un trafic confortable en conversion directe. Sa construction est parfaitement réalisable de façon artisanale, ce qui permet d’économiser sur l’ensemble du montage. il est paradoxal de constater que c’est le récepteur construit de façon artisanal sur une planche de bois qui donne les meilleurs résultats …
  • Que peut-on dire de la conversion directe ? C’est largement suffisant pour contacter l’Europe entière jusqu’à 20m et ce, avec une simple antenne filaire et un petit émetteur de 1 à 3 Watt HF ! On s’habitue très vite à la double réception des deux bandes latérales se situant de part et d’autre de la porteuse, ce n’est qu’une question de pratique de l’écoute.

Les liens :

Le site de B.Mourot F6BCU .

Les archives d’Ondes Courtes Informations, la revue de l’Union des Radio Clubs.

La pratique de la conversion directe

Source: POPA’S BLOG